L’architecture à Icarie présente un caractère particulier et unique dans toute la mer Egée et c’est pour cette raison qu’elle n’est ni très connue ni étudiée de la part de chercheurs grecs et étrangers, comme celle des autres îles grecques.
Ce qui caractérise Icarie, c’est la très grande dispersion de son habitat. Il y a plus de 70 villages, construits de manière espacée sur toute l’étendue de l’île. Depuis le début du XVIème siècle après J.C. jusqu’au XIXème siècle, les habitants, pour ne pas être visibles de leurs ennemis, notamment des Turcs et des pirates, ont abandonné les régions côtières de l’île et se sont retirés dans les zones montagneuses où ils ont créé un habitat que l’on dit « secret ». On rencontre ce type d’habitat surtout à l’ouest d’Icarie, mais aussi ailleurs comme à Manganitis, Lagada, Pezi, Messaria et Perdiki. Beaucoup étaient ceux qui utilisaient comme habitations les cavités des blocs de granit (appelés louros au singulier, louri au pluriel qui sont d’énormes et d’impressionnants rochers de granit, de forme arrondie), cavités qui habituellement étaient uniques, avec des dimensions équivalentes à celle d’une pièce (ces cavités sont appelées kamarès au pluriel, kamara au singulier ou chambre voûtée).
Dans la partie est de l’île, l’équivalent était connu sous le nom de «chostokéli» (cachette familiale à demi souterraine). C’est là le fondement de l’expression populaire : «Une maison où tu trouves place et une terre à portée de vue». En conséquence, pour qu’un village reste secret, on ne construisait pas de grands bâtiments, trop espacés les uns des autres. C’est pourquoi chaque maison avait son propre terrain avec des cultures et se trouvait à quelque distance des autres, mais toutes ensemble formaient des localités (appelées gitonies au pluriel, gitonia au singulier, c’est à dire groupe de maisons voisines). Celles-ci , plus tard, ont obtenu leur propre église et leur école, tandis qu’elles tiraient leur nom des familles qui les avaient créées. Et cela s’est maintenu encore de nos jours pour des villages comme Mavrikato, Glarédo, Mavrato, etc.
Le tissu de l’habitat à Icarie apparaît assez lâche et adapté à la nature et à la morphologie particulière de l’île. Cette logique de construction constitue le principe de construction de l’habitat moderne.
Les habitations des Icariotes, pendant de nombreux siècles, étaient connues pour se fondre dans le paysage, avec des toits à une seule pente, constitués de plaques de roche inclinées parallèlement au sol, avec une pièce unique, principalement de forme rectangulaire. Les murs étaient construits avec des pierres qu’on trouvait dans la région à l’entour. Le toit comportait une ouverture, l’ « anéfandis », par laquelle la maison était aérée. Un mur de pierres sèches entourait la cour et dissimulait la maison. Les plus anciennes maisons n’avaient pas de cheminée, seulement deux pierres placées l’une en face de l’autre et un moulin à main. L’équipement principal était constitué de jarres, enfoncées dans le sol, qui servaient à emmagasiner de l’huile et du vin. Il n’y avait pas de lit dans la maison, les occupants étendaient des peaux de bêtes sur le sol pour dormir.
A une époque plus récente, l’habitation icarienne a commencé à évoluer. Ainsi on a installé des fenêtres qu’on fermait avec des planches de bois rivetées. Ces fenêtres, placées dans l’épaisseur du mur, formaient un renfoncement ouvert vers l’extérieur, tout en protégeant les occupants de la pluie, sans prendre de place à l’intérieur de la maison. Dans les murs, on aménageait des niches qui servaient, comme des étagères, à ranger différents objets. On installait un grand lit en pierre ou en bois pour toute la famille. La porte d’entrée était divisée en deux parties, en haut et en bas, soit à un vantail, soit à deux vantaux.. Au début du XIXème siècle, apparaissent des habitations avec un toit à double pan, ainsi que des habitations à deux ou trois étages, comme à Agios Kirykos, et en même temps on augmente le nombre de pièces à deux ou trois. On bâtit des cheminées et des fours de forme simple, circulaire, faits en pierre, à l’intérieur de la maison ou à l’extérieur, dans la cour, avec un conduit pour la fumée.
L’équipement domestique à l’intérieur des maisons était austère. Presque toutes avaient un vaisselier en bois, un lit en bois et une commode. La cour était entourée par un mur et les cultures étaient faites sur des terrasses. Les WC étaient bâtis loin de la maison. Sur la propriété, il y avait différentes installations, comme la citerne (une réserve d’eau à ciel ouvert), l’aire, le poulailler, l’écurie, etc. Les matériaux utilisés pour la construction des habitations étaient les schistes, les granits, les roseaux, les herbes, la boue et le bois qu’ils trouvaient dans les alentours. La plupart des ménages disposaient de moulins à eau ou à vent pour broyer les céréales et préparer la farine. Aujourd’hui sont préservés à peu près 70 moulins à eau et 16 moulins à vent.
L’architecture moderne, aujourd’hui, est influencée par le passé et quelques caractéristiques modernes sont semblables, comme les fenêtres, les portes et les murs de clôture. Agios Kirykos est un village au bord de la mer, joliment coloré, avec des bâtiments néo-classiques et d’étroites ruelles traditionnelles, qui combine l’architecture icarienne moderne et traditionnelle.
Enfin, en raison de la grande dispersion de son habitat et de son relief accentué, Icarie a bénéficié d’un réseau routier assez étendu, que l’on devait à l’empressement et au travail personnel des autochtones. Il s’agissait habituellement de routes pavées. De nos jours, les routes sont devenues carrossables et on a même installé des trottoirs. Les installations portuaires étaient complètement absentes de l’île jusqu’à récemment. Les ponts ont une importance particulière pour l’architecture locale, en raison de la présence fréquente de torrents sur toute l’île. Il vaut la peine de signaler encore que, parmi les œuvres architecturales marquantes d’Icarie, figurent les églises. Leur nombre dépasse 300 sur toute l’étendue de l’île.
Les villages traditionnels reconnus
Depuis 2003 (Journal du Gouvernement 961/12/09/2003), le village d’Akamatra a été reconnu comme traditionnel en raison du caractère particulier de son architecture, de ses bâtiments qui représentent l’aspect traditionnel de l’île. On trouve d’autres villages reconnus comme traditionnels à Pezi et Lagada où les règles de la construction sont sévères, pour que ces régions conservent intact le style de leur architecture. A joué aussi un rôle important l’absence d’un tourisme de masse qui aurait constitué une menace considérable pour ces lieux traditionnels.